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Affichage des articles du septembre, 2023

Un esprit receptif

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  Mon premier jour à Wat Pah Pong, en décembre 1978, fut mémorable. Il me remplit d’une confiance inébranlable dans le Bouddha, le Dhamma et le Sangha d'Ariya, qui ne m'a jamais quitté.  Néanmoins, après avoir vécu là-bas pendant un moment, certains doutes apparurent dans mon esprit. J'ai commencé à remarquer que quelques moines et novices agissaient d'une manière qui, je le savais, était en conflit avec leurs préceptes ou qui bafouait les règles monastiques. Je me suis dit : "Comment est-il possible qu'ils vivent sous la direction d'un arahant et qu'ils se comportent de cette façon ? Comment ces moines et ces novices peuvent-ils être aussi insouciants ? Comment peuvent-ils être aussi impudents ?" Plus tard, en relisant le Dhammapāda, je suis tombé sur le verset suivant : "Même si un imbécile passe toute sa vie en présence d'un sage, il ne comprend pas le Dhamma, tout comme une louche ne connaît pas le goût de la soupe" (v.64).  Il es

Le doute : les souillures brouillent les cartes

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  Pendant longtemps, l'augmentation spectaculaire du nombre de cas de cancer du poumon au cours du XXe siècle fut imputée aux gaz d'échappement des véhicules. Puis, en 1954, les recherches de Doll et Hill, deux scientifiques britanniques, révélèrent que les fumeurs avaient seize fois plus de risques de contracter un cancer du poumon que les non-fumeurs. La réaction des sociétés de tabac fut astucieuse. Ils essayèrent de semer la confusion dans l'esprit des gens. Ils mirent en doute la recherche ; ils mirent en doute les chercheurs ; ils demandèrent plus de recherches. Leur objectif n'était pas de convaincre les fumeurs que fumer était sans danger, mais de créer des doutes sur les preuves que fumer était dangereux. Ils voulaient que les fumeurs deviennent apathiques et s'en tiennent au statu quo : "Certains experts disent ceci, d'autres disent cela, je ne suis pas sûr". Une note interne secrète rappelait aux cadres supérieurs que "le doute est notr

Le sens caché des mots

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 Les mots sont, dans un sens, simplement des bouffées d’air issues d’une bouche, mais certaines phrases – ‘je t’aime’, ‘Je te hais et te méprise ! ’ par exemple – ont le pouvoir de faire exploser nos cœurs d’émotion. Énormément de mots en revanche, semblent tellement anodins que nous les remarquons à peine. C’est une erreur. Ces mots contiennent souvent des idées reçues par rapport à nous-mêmes et au monde et ils peuvent provoquer une détresse inutile. Prenez les mots ‘devrait’ et ‘ne devrait pas’. Que signifient-ils exactement ? Pourquoi sommes-nous tellement contrariés quand les gens ou les choses ne sont pas comme nous pensons qu’elles devraient être ? Caché derrière le mot, ‘devrait’, vous trouverez le mot ‘si’. Examiner ces phrases qui utilisent "devrait" et celles implicites qui en découlent contenant "si", peut nous aider à clarifier les enjeux et à calmer nos esprits. 'Tu devrais…’ peut se fonder sur l'idée que réussir un projet particulier dépend de

Une boussole pour naviguer dans ce monde déroutant

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Comment nous situons-nous par rapport aux croyances, aux idées et aux comportements que nous jugeons répugnants ? Ou ceux que nous considérons comme nuisibles à l'individu, à la société, au monde dans lequel nous vivons ? Quelles émotions suscitent-ils ? Les réactions les plus courantes sont probablement la colère et la tristesse. De nombreuses personnes deviennent fatalistes ou essaient simplement de ne pas penser aux choses qui les dérangent. Dans le Sallekha Sulta (MN8), le Bouddha donne un conseil très simple mais puissant. Il nous dit d'utiliser les choses malavisées et malsaines comme des stimulants pour notre pratique. Chaque fois, notre attitude doit être la suivante : "Les autres peuvent ... Je ne le ferai pas" Parmi les 44 termes énumérés par le Bouddha, voici quelques exemples : "Les autres peuvent agir ou parler avec cruauté. Je n'agirai pas et ne parlerai pas avec cruauté". “Les autres peuvent voler et tricher, mentir, semer la discorde, par

Sortir des sentiers battus

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  Notre pensée peut être capable de sortir de certains sentiers battus, mais seulement en restant sur d’autres. En fait, cette analogie des sentiers battus n’est pas la meilleure façon de réfléchir à la pensée. Il serait plus utile de la considérer en termes de cadres de référence. Toute réflexion systématique prend place dans un cadre de valeurs, de croyances, de prémisses et de conventions. Le seul type de pensée qui ne repose pas sur un cadre est l’agitation mentale aléatoire. Par la sagesse, nous ne cherchons pas à nous échapper des sentiers battus, mais à revoir nos cadres de référence. Dans la pratique du Dhamma, la Vue Juste est le meilleur cadre de référence pour la pensée. La Vue Juste conditionne les choses auxquelles nous faisons attention dans nos vies, comment nous y faisons attention et la signification que nous leur accordons. Luang Por Munn nous a dit que tout ce que nous percevons enseigne constamment le Dhamma. Notre défi est de savoir comment apprendre constamment de

On ne vit qu'une fois

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  Récemment, je suis tombé sur une expression populaire qui encourage les gens à surmonter leurs doutes et leurs peurs, et à s'engager dans une ligne de conduite particulière, YOLO (You only live once), qui signifie "On ne vit qu'une fois". En tant que bouddhistes, nous ne pouvons pas être d'accord avec cette notion, mais nous pourrions peut-être la modifier : "On ne vit ce moment qu'une seule fois !” Aujourd'hui est une occasion historique unique. Nous traversons le samsāra depuis un temps incroyablement long : le Bouddha a dit que si nous recueillions toutes les larmes que nous avons versées au cours de nos vies antérieures, elles formeraient un océan gigantesque. Mais pendant tout ce temps, englobant un nombre incalculable de Big Bangs, aujourd'hui nous sommes le premier et unique 9 septembre 2023. Quelle que soit l'heure à laquelle vous lisez ces lignes, sachez qu'il s'agit d'une heure absolument unique. Ce souffle présent peut

Mettā et upekkhā

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Mettā (bienveillance) sans upekkhā (équanimité) est souvent myope et parfois aveugle. Mettā peut devenir trop préoccupée du bonheur immédiat des autres. Mettā confond souvent plaisir et bonheur et devient superficielle. Mettā produit une exubérance du cœur qui peut conduire à de grands gestes et à des engagements qui ne peuvent être maintenus. Mettā peut facilement être détournée vers l'affection personnelle, l'amour ou le désir. Upekkhā nous rappelle la vue d'ensemble, les conséquences ou les ramifications possibles de nos actions. Upekkhā apporte la stabilité, l'équilibre et la compréhension claire dans lesquels mettā doit être sagement ancrée. Upekkhā nous permet de voir que le fait que les gens changent ou non, qu'ils se libèrent ou non de leur douleur, qu'ils trouvent ou non le bonheur, est dû à un réseau de causes et de conditions. Notre mettā n'est qu'un élément de ce réseau.  Ajahn Jayasāro 05/08/23

La pleine conscience n’est pas une simple prise de conscience passive

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La pleine conscience n'est jamais pratiquée comme une vertu unique et isolée et ne se limite jamais à une simple prise de conscience passive. La sagesse et l'effort sont deux des qualités clés qui doivent l'accompagner. Ces deux qualités portent plusieurs noms différents en Pāli, dépendant du contexte et de la fonction. Dans la pratique du satipatthāna, elles sont appelées sampajañña (généralement traduit en français par ‘compréhension claire’) et ātāpi (‘ardeur’). Dans le Satipatthāna Sutta (MN1O), le Bouddha enseigne qu'en reconnaissant (avec sampajañña) ‘la soif et l'avidité pour le monde' comme des facteurs mentaux malsains, et en faisant l'effort (ātāpi) de les abandonner, les méditants sont capables de contempler efficacement le corps, les sensations, l'esprit et les objets mentaux. Ailleurs, ces deux facteurs liés sont désignés par les termes Vue Juste et Effort Juste. Dans le Mahācattarisaka Sutta (MN117), la Pleine Conscience est définie dans le

Comment nous sentons-nous vraiment ?

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  Lorsque notre esprit est obsédé par un objet de désir, nous avons tendance à nous faire toutes sortes d'idées irréalistes à son sujet.  Nous nous attardons sur les moments forts du passé ou sur les occasions où l'objet était meilleur qu'il n'a jamais été. Nos espoirs sont immenses. "Cette fois-ci !" Nous oublions toutes les déceptions qu'il nous a causées dans le passé. Nous ne pensons pas à ce que nous ressentirons une fois le plaisir passé. Les pensées sages sont évincées. Elles ressemblent à de vieilles personnes grincheuses lors d'une fête. Pris par l'envie, nous perdons le sens du contexte et du but. Pour naviguer dans le monde des désirs sensuels, il est essentiel d'avoir un esprit curieux. À l'heure actuelle, comment nous sentons-nous ? Comment nous sentons-nous vraiment ? Que ressentons-nous lorsque nous sommes pleinement satisfaits ? Quelle est l'importance de cette sensation pour nous ? Combien de temps devrions-nous passer