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Affichage des articles du mars, 2024

Comment remplir une passoire d'eau

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  Dans une histoire ancienne, un maître emmène ses disciples au bord de la mer. Il donne à chacun une passoire et leur dit de la remplir d’eau. Les disciples se regardent l’un l’autre : la tâche est impossible. Par respect pour leur maître, ils essayent de leur mieux. Après un temps, ils s’avouent vaincus. “ Maître, pardonne-nous, “ disent-ils, “mais ce n’est pas faisable. ” Sans un mot, le maître s’empare d’une des passoires et la jette dans la mer. Alors qu’elle coule, les disciples voient qu’elle se remplit d’eau.  Un maître contemporain, Ajahn Chah, disait souvent à ses disciples : “ Donnez votre cœur au Dhamma, ne donnez pas le Dhamma à votre cœur. “ Le maître ancien et le contemporain font la même constatation : ne laissez pas vos positions et vos préjugés, vos désirs et vos peurs influencer votre pratique du Dhamma. Ne choisissez pas parmi les enseignements ; c’est un tout.  Essayer de pratiquer le Dhamma tout en s’accrochant fermement à certaines souillures mentales qui nous so

Memento Mori

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  Dans les salles du Dhamma de nombreux monastères de la forêt thaïlandais, un squelette humain est exposé. Il sert de memento mori et d'aide à la visualisation pour les méditants qui pratiquent la contemplation du corps. Un jour, des visiteurs venus de Bangkok furent choqués de se trouver face aux squelettes de Wat Pa Pong. Ajahn Chah, souriant, leur demanda s'ils se rendaient compte que chacun d'entre eux transportait l'une de ces choses effrayantes avec eux, où qu'ils aillent.  Dans la pratique du Dhamma, nous examinons la nature du corps afin d'éliminer toutes les fausses croyances et hypothèses auxquelles nous nous accrochons et qui nous causent tant de souffrances inutiles. Dans la méditation en marche, chaque fois que le talon entre en contact avec le sol, nous pouvons observer les sensations qui partent de l'os du talon, passent par les os des jambes, la colonne vertébrale et aboutissent au crâne. Le mot pāli pour os, aṭṭhī, peut être utilisé comme m

Vedanā : la saveur de notre expérience

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Qu'est-ce que vedanā ? Vedanā est généralement traduit par "sensation". Mais comme le mot "sensation" est utilisé de plusieurs façons, l'employer dans ce contexte risque autant d'obscurcir le sens que de le révéler. Par exemple, lorsque nous disons "je me sens excité" ou "je me sens anxieux" ou "je ressens une sensation", nous utilisons "sentir" pour signifier l'expérience. "Je me sens excité" signifie "je ressens de l'excitation". Mais vedanā ne signifie pas expérience. Vedanā fait référence à la tonalité de l'expérience positive, négative ou neutre ; agréable, désagréable ou ni l'une ni l'autre. Nous pouvons également faire une analogie avec la saveur. Supposons qu'il n'y ait que trois saveurs : le sucré, l'amer et le fade. Chaque fois que l'on mange quelque chose, on s'aperçoit qu'il s'agit de l'une de ces trois saveurs. De même, dans la pra

Attachement aux rites et aux règles

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  Sīlabbataparāmāsa est généralement traduit par "attachement aux rites et aux règles". Il s'agit de l'une des trois "entraves" (samyojana) qui lient les êtres à la souffrance et qui sont abandonnées par la personne qui est entrée dans le courant. De nombreux pratiquants sous-estiment cette entrave. Ils peuvent même y voir un laissez-passer, croyant qu'ils n'ont jamais été attachés aux règles et aux rites en premier lieu. Mais cette confiance provient d'une mauvaise interprétation du terme. En fait, cette croyance est basée sur une mécompréhension cruciale de la causalité. Il s'agit de la croyance selon laquelle une certaine pratique spirituelle peut, en soi, conduire à la libération, indépendamment des autres facteurs de la voie, en particulier la Vue Juste. Dormir peu, parler peu, ne manger qu’un seul repas frugal par jour, observer strictement les préceptes, réciter certains textes chaque jour, méditer un certain nombre d'heures chaque

Investigation

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Notre investigation du corps et de l’esprit ne part pas d’une table rase. Notre position de départ est l'identification. De manière instinctive, nous voyons tout à travers un filtre de 'moi' et de 'mien'. Pour y remédier, nous devons apprendre à voir le corps en tant que corps, les ressentis en tant que ressentis, les états mentaux en tant qu’états mentaux, les pensées en tant que pensées, la conscience des sens en tant que conscience des sens.  Pour cela, développer une présence stable de la pleine conscience par la méditation est notre outil principal.  Mais nous avons aussi besoin de poursuivre cet effort dans la vie de tous les jours. Commencez avec le corps : voyez les cheveux comme simplement des cheveux, les ongles comme des ongles, les dents comme des dents, la peau comme de la peau. À des moments appropriés, entraînez-vous à examiner votre propre corps et d’autres corps de cette façon. Voyez la salive dans la bouche comme de la salive, le mucus dans les nar

Sortir du piège de la sensualité

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Imaginez que vous mangiez un plat après l'autre d’une nourriture très riche et grasse puis que vous buviez un verre d'eau de source fraîche. Quel délice !  Si nous ne connaissons que les joies du plaisir sensuel, l'idée d'un plaisir non sensuel semble être une contradiction en soi. Comment pourrait-il y avoir du plaisir sans stimulation des sens ? Ce serait certainement une expérience fade, terne et triste. Le monde des sens, avec tous ses hauts et ses bas, ressemble à la vie elle-même. Un monde dépourvu de tout ce drame ressemble à la mort. En fait, le plaisir non sensuel que l'on peut éprouver grâce à la méditation est comme un verre d'eau de source fraîche après les plaisirs riches et gras des sens. Le plaisir sensuel nous enivre et nous affaiblit ; le plaisir non sensuel nous sensibilise à des vérités simples et nous donne du pouvoir.  Nous n'avons pas toujours besoin d'obtenir quelque chose, de consommer quelque chose, de devenir quelque chose ou qu

L'importance de la lecture

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  Adolescent, les livres m'ont fait entrer dans le monde des adultes. Cela a commencé avec Shakespeare. Il m'a appris à considérer les défis moraux dans un contexte psychologique plutôt que doctrinal. Tolstoï m'a amené à regarder les événements en termes de flux complexes de causes et de conditions. À seize ans, j'ai découvert les romans de Hermann Hesse. "Siddhartha” a allumé un feu en moi. J'étais déterminé à me rendre en Inde dès la fin de mes études secondaires. Mais ce sont les œuvres d'Alan Watts qui m'ont le plus inspiré. J'ai commencé à lire "La voie du Zen" sur le banc d’un parc à Cambridge et j'ai été tellement captivé que j'ai failli rater mon bus pour rentrer chez moi. Même les titres de ses livres étaient merveilleux : "The Wisdom of Insecurity" (traduction : La sagesse de l’insécurité, titre en français : Eloge de l’insécurité) était l'un de mes préférés. Dans les années 70, le bouddhisme Theravada était

Les Nutriments des Cinq Obstacles

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  À une occasion, le Bouddha donna un discours aux bhikkhus sur les nutriments nécessaires à l'apparition des entraves mentales qui n'ont pas encore surgi et à l'augmentation de celles qui sont déjà présentes. Dans ce discours, il souligna le rôle fondamental joué par "ayoniso manasikāra", la manière malavisée avec laquelle l'esprit non protégé se rapporte aux phénomènes physiques et mentaux. Le Bouddha enseigna que dans le cas de la première entrave, le désir sensuel, le nutriment est l'attention fréquente et peu judicieuse portée aux perceptions d'attractivité.  Dans le cas de la deuxième entrave, la malveillance, le nutriment consiste à accorder une attention fréquente et peu judicieuse aux perceptions de ce qui n'est pas attrayant.  Pour la troisième entrave, la paresse et la torpeur, le nutriment consiste à accorder une attention fréquente et peu judicieuse aux "sentiments de mécontentement, à la léthargie, aux étirements paresseux, à la

Soigner ses Maux

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Le Bouddha fut Le grand médecin. Il diagnostiqua dukkha, notre maladie chronique et révéla sa cause dans les désirs qui naissent de l'ignorance des vérités de notre existence. Il proclama que notre maladie était guérissable et il prescrivit l'Octuple Sentier comme le médicament qui produirait la guérison. Il ne l'administrait pas de force. Il savait qu'il ne serait efficace que s'il était pris volontairement. Mais grâce à sa grande sagesse et à sa compassion, le Bouddha réussit à guérir un grand nombre de personnes, hommes et femmes. Ce faisant, il prouvait que son diagnostic était correct et que la guérison était réelle. Au fil des siècles, les personnes qui utilisaient la médecine du Bouddha et se sont guéries servaient d'exemple et d'inspiration aux êtres souffrants qui cherchaient à se libérer de leur fardeau. C'est ainsi que nous nous tournons vers le Bouddha, le plus grand des guérisseurs, pour trouver refuge. Nous nous tournons vers le Dhamma, la