Conserver la fraîcheur de l’esprit


Il y a quelques jours, j'ai eu la chance de visiter un monastère abritant de magnifiques fresques datant de plusieurs centaines d'années. Afin de préserver ces peintures pour les générations futures, seuls cent visiteurs sont admis chaque jour.

La salle du sanctuaire qui abrite ces peintures est maintenue dans l'obscurité. Une guide nous montra les peintures murales en pointant les éléments significatifs à l'aide d'une petite lampe de poche.

Je pus apprécier la compétence et le dévouement des peintres qui réalisèrent ce chef-d'œuvre. Je ressentis également de la reconnaissance envers tous ceux qui contribuèrent à la préservation de ces fresques, malgré les vicissitudes sociales et politiques des siècles passés. Je réfléchis également à la façon dont les commentaires de notre guide avait enrichi  notre expérience, elle nous indiquait et mettait en contexte des détails subtils que nous n'aurions pas remarqués. De retour dans notre véhicule, cette dernière réflexion m'amena à considérer les similitudes entre l'appréciation de l'art avec ou sans guide, et la pratique du Dhamma avec ou sans maître.

Mais il se pourrait bien que mon souvenir le plus marquant de cette visite ne soit pas tant les fresques elles-mêmes que la guide. L'enthousiasme de cette femme d'âge moyen pour son travail, et la joie qu'elle éprouvait à partager ses connaissances avec nous, faisaient merveille. Par la suite, je lui demandai depuis combien de temps elle faisait ce travail; « Dix ans » répondit-elle. Maintenir cette qualité d'esprit pendant dix ans, en mettant l’accent sur les mêmes détails encore et encore, probablement plus de 10 000 fois maintenant, tout en conservant cette fraîcheur d'esprit, est une source d'inspiration. Peut-être, me suis-je dit, est-elle une bodhisattva.

Ajahn Jayasāro
23/11/24