Un courant paisible
Il y a de nombreuses années, j'ai passé la Retraite des Pluies dans une hutte au toit de chaume, située au sommet d'une falaise qui surplombait le Mékong et offrait une vue vers l'est, sur les collines densément boisées de l'ouest du Laos. Je garde de bons souvenirs de ces moments de détente passés sur la véranda de mon kuti à regarder le Mékong couler tranquillement vers le sud et les bateaux glisser lentement sur sa surface.
Certains jours, je descendais un petit sentier à flanc de falaise pour faire la tournée d'aumônes dans le village en contrebas. Là, sur les rives du Mékong, j'étais frappé par la rapidité de son courant. J'avais du mal à concilier dans mon esprit le fleuve rapide et puissant que je voyais de près avec celui, lent et gracieux, que j'observais depuis mon kuti.
Les comparaisons avec les sommets montagneux dans les textes du Dhamma ont tendance à se concentrer sur l'espace, la pureté de l'air et la vue imprenable sur les environs depuis les hauteurs pour exprimer l'expérience d'un esprit bien entraîné. Je voyais désormais une autre nuance. L'esprit de l'adepte perçoit tout ce qui se passe autour de lui comme se déroulant à un rythme plus lent, à l'image du courant d'une rivière observée depuis une hauteur. Ce qu'un observateur non entraîné au sol perçoit comme un flot de confusion intense, des grands moines comme Ajahn Chah le voient comme un flux paisible de conditions autour d'eux, leur laissant le temps d'agir avec sagesse, sans stress.