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La leçon du Vénérable Sariputta

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  À une occasion, le Vénérable Sāriputta fut faussement accusé de s’en être pris physiquement à un autre moine. Aussi absurde que soit cette accusation, le Bouddha ne la rejeta pas d'emblée. Il convoqua une réunion du Sangha, au cours de laquelle l'accusateur fut invité à répéter publiquement ses allégations, et le vénérable Sāriputta eut l'occasion d'y répondre. Sa réponse fut si éloquente et si puissante qu'elle fut connue sous le nom de "rugissement du lion". Le vénérable Sāriputta ne fut ni blessé ni offensé par les accusations parce qu'il était incapable de les prendre personnellement : "Tout comme, ô Seigneur, les gens jettent sur la terre des choses pures et impures, des excréments, de l'urine, des crachats, du pus et du sang, la terre n'en éprouve pas pour autant du dégoût, de la répulsion ou de la répugnance. De même, Seigneur, je vis avec un cœur qui est comme la terre, large, étendu et sans limites, sans hostilité ni malveillanc...

Nibbidā, le désenchantement

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  Parfois, nous nous remémorons une ancienne croyance à laquelle nous étions fermement attachés, en une personne, une relation ou une institution. Rétrospectivement, nous nous étonnons que cette croyance ait été si inconditionnelle. C’est comme si nous avions été ensorcelés. De même, à mesure que notre compréhension des trois caractéristiques de l'existence s'approfondit, nous nous demandons à quel point nous croyions à la permanence, au sukha et au soi. Cela ressemble à une sorte d'enchantement. Cette vision plus claire suscite une émotion : nibbidā, un désenchantement corrélatif. En thaï, la traduction la plus courante de nibbidā est "s'ennuyer" ou "en avoir assez"; l'étudiant avancé du Dhamma est ennuyé par le samsāra. Il va sans dire que nibbidā n'est pas le type habituel d'ennui, qui est toujours provoqué par un certain degré d'aversion. Il s'agit du manque d'intérêt à regarder un spectacle de magie une fois que l'on ...

Le Réalisme Scientifique

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La croyance selon laquelle les phénomènes physiques mesurables sont en quelque sorte plus 'réels' que les phénomènes mentaux incommensurables est tellement omniprésente de nos jours qu’elle est rarement reconnue en tant que telle. Un grand nombre d’ouvrages de science populaire décrivent une quelconque expérience humaine et ajoutent ensuite une phrase telle que “ce qui se passe réellement dans ce cas” suivi d’un compte rendu des ondes cérébrales ou des hormones ou quelque chose de ce genre. Je ne prétends pas être un scientifique, mais une réflexion que j’ai tirée de mon éducation scientifique que je trouve très importante et précieuse est , “corrélation n’est pas causalité. ” B. Alan Wallace est un de mes auteurs favoris sur la façon dont la science peut devenir un système de croyances. Je vais citer ici son livre de 1989, 'Choosing Reality : A contemplative view of physics and the Mind’ (Science et bouddhisme : à chacun sa réalité) .  Il liste quelques prémices de base : ...

Le grand défi de la pratique du Dhamma

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Chaque jour, où que nous soyons, avec qui que ce soit, notre vie est un flux de phénomènes physiques et mentaux : formes, sons, odeurs, goûts, sensations tactiles, pensées, perceptions et ressentis. C'est le monde réel : le monde de l'expérience directe. Il n'est pas le fruit du hasard et ne fait pas partie d'un plan divin. C'est la manifestation d'un flux de causes et de conditions d'une complexité inimaginable sans commencement. Sans la pleine conscience et la compréhension claire (sati-sampajaññā), un sentiment de propriété domine la conscience. Nous prenons tout personnellement : "Je" vois, "j'"entends, "je" sens, "je" goûte, "je" touche, "je" pense, "je" perçois, "je" ressens. Mais en présence de la pleine conscience et d'une compréhension claire, ce sens de la propriété disparaît. Il reste la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher, la pensée, la percepti...

Pourquoi méditer ? (3)

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Pourquoi méditer ? Parce que sans la pratique de la méditation, il n'est pas possible d'accéder durablement au plaisir non-sensuel (niramisasukha). "Et alors ?" pourrait-on objecter.  Voici pourquoi c'est important : (i) La qualité de l'expérience elle-même : ceux qui ont accès au plaisir non-sensuel par la méditation affirment qu'il est tellement supérieur au plaisir des sens que les comparaisons semblent ridicules. En tant que créatures profondément attachées à la recherche du plaisir, il est certainement logique de chercher à savoir si de telles assertions sont crédibles. Si c'est le cas, apprendre à méditer devrait susciter un intérêt considérable. (ii) Des effets bénéfiques qui changent la vie : l'esprit non éveillé entretient une relation dysfonctionnelle avec les plaisirs sensoriels. L'envie de plaisir peut facilement conduire à la douleur, à la déception, à l'obsession et à la dépendance. Elle peut également conduire à des comportem...

Pourquoi méditer ? (2)

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Pourquoi méditer ? En fait, d'autres questions devraient précéder celle-ci. Pourquoi prendre refuge dans le Triple Joyau en premier lieu ? Si l'on a vraiment foi en la sagesse et la compassion du Bouddha, quel autre choix y a-t-il que de suivre la voie qu'il nous a révélée ? Le Bouddha a enseigné la meilleure façon de vivre notre vie en tant qu'êtres humains. Les enseignements sont un appel à l'action pas à l'inaction. À de nombreuses reprises, le Bouddha a dit que ce n'étaient pas les offrandes matérielles qui lui plaisaient, mais l'offrande de la pratique. Et comment est-il possible de faire cette offrande, en d'autres termes, comment est-il possible de pratiquer le Dhamma d'une manière transformatrice, sans faire d'efforts dans la méditation ? L'idée d'offrande est vitale. Il est réducteur de considérer la méditation uniquement sous l'angle de son propre cheminement spirituel. Prenez le temps de réfléchir à la chance que vous a...

Pourquoi méditer ?

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Pourquoi méditer ? Il y a tellement de raisons. Trouver des raisons pour ne pas méditer serait beaucoup plus difficile. Alors aujourd’hui, je vous en donne juste une. Un flux constant d’états mentaux traverse l’esprit. Certains de ces états mentaux affligent l’esprit et sapent son bien-être fondamental. D’autres apportent de la paix, de la clarté et de la joie dans nos vies. Il est logique d’être proactif, de réduire les états mentaux négatifs et d’augmenter les positifs. Pour ce faire, nous devons apprendre à développer notre regard intérieur de manière systématique. Nous devons apprendre à identifier les états mentaux négatifs comme étant négatifs et les états mentaux positifs comme étant positifs. Nous devons apprendre à établir notre attention afin qu’elle empêche l’émergence d’états mentaux négatifs, ou à défaut, qu’elle nous permette de rapidement lâcher prise de ceux qui sont déjà présents. Nous devons apprendre à introduire des états mentaux positifs dans notre esprit et appren...

Cultivons la perception de l'incertitude

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L'entraînement à la sagesse (pañña) ne peut être séparé de l'entraînement de sīla et de samãdhi. Ce “Triple Entraînement " permet une éducation complète et profonde de tous les aspects de notre vie. Mais, finalement, c'est la sagesse qui nous libère, car c'est le manque de sagesse qui nous emprisonne. Le point culminant de l'entraînement à la sagesse, et donc de l'ensemble du processus d'éducation bouddhiste, se trouve dans l'éveil direct et non conceptuel à la véritable nature de l'existence. Cet éveil est rendu possible par une compréhension profonde des trois caractéristiques principales de l'existence : anicca, dukkha, anattã. Ajahn Chah enseignait à ses disciples à préparer leur esprit aux niveaux les plus avancés de compréhension des trois caractéristiques en cultivant la perception de l'incertitude. Cette pratique nous ramène sans cesse à la nature de notre vie d'une manière immédiate et intelligente. La pratique commence par ...

Les habitudes et le caractère

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Le mot Thaï 'nisai'  (นิสัย) veut dire à la fois caractère et habitude. Il met en évidence une vérité importante : le caractère c’est les habitudes. Nous forgeons notre caractère par nos habitudes. Le caractère n’est pas acquis d’avance – il change selon la façon dont nous vivons notre vie. En pensant que le caractère est quelque chose de permanent, les gens se caractérisent souvent d’une certaine manière. Ils se définissent par rapport  à leurs habitudes. Quand leurs habitudes sont destructrices ou corruptrices, comme le sont la colère ou l’avidité, ils sont remplis de désespoir ou d’un dégoût de soi. Cependant, en observant de près, on voit une identification à des états mentaux de colère ou d’avidité puis leur mise en œuvre encore et encore, jusqu’au point où l'identification et la réaction se font de manière presque automatique. Il ne s’agit pas d’une expression de notre identité, mais d’habitudes profondément enracinées.   Notre esprit est comme un tableau blanc...

Nous diffuserons dans l'univers entier un esprit empli de bienveillance abondante

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Dans le Kakacūpama Sutta (MN21), le Bouddha donna aux moines des conseils pour faire face aux critiques blessantes. Tout d'abord, il classa ces paroles comme opportunes ou inopportunes, vraies ou fausses, gentilles ou dures, bénéfiques ou néfastes, prononcées dans un esprit de bonne ou mauvaise volonté. Dans tous les cas, il déclara : "Vous devriez vous entraîner ainsi : 'Notre esprit ne sera pas affecté et nous ne prononcerons pas de paroles malveillantes ; nous resterons amicaux, bienveillants et sans aucune aversion. Nous resterons bien disposés envers le bien-être de cette personne, dans un esprit de bienveillance et sans haine intérieure et, en commençant par elle, nous diffuserons dans l'univers entier un esprit empli de bienveillance abondante, expansive, incommensurable, exempte d'hostilité et de mauvaise volonté. " Le Bouddha dit qu'en maintenant cet état d'esprit universel et inconditionnel, les gens qui essayeraient de les blesser avec leurs...

Les mensonges détruisent la confiance

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  Les relations amoureuses entre collègues étaient mal vues dans une certaine société. Deux cadres avaient néanmoins commencé une telle relation. Très discrets, ils étaient sûrs que personne ne s'en doutait. En fait, très vite, de rumeur en rumeur, la majorité de leurs collègues fut au courant de la situation, mais ils considéraient tous que cela relevait de la vie privée et personne ne s’en souciait vraiment. Rien ne fut dit. Cependant des problèmes survinrent car le couple devait mentir pour cacher son prétendu secret. Leurs collègues les voyaient mentir si souvent avec une telle facilité et un tel naturel qu’ils ne leur faisaient plus confiance. Ce manque de confiance fut alors un facteur décisif dans une crise qui bouleversa cette société. À chaque fois que vous mentez, peu importe la raison, vous démontrez que vous êtes une personne qui est prête à mentir dans certaines circonstances. Inévitablement, les gens commencent à se poser la question : “ S’ils sont prêts à mentir à ce...

Qu’y a-t-il de mieux à faire ??

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Notre situation est que nous ne voyons pas les choses telles qu'elles sont. Notre difficulté est que, parce que nous ne voyons pas les choses telles qu'elles sont, nous créons continuellement des problèmes inutiles pour nous-mêmes et pour les autres. Notre tâche consiste à apprendre à voir les choses telles qu'elles sont afin d'être en mesure de cesser de créer tous ces problèmes inutiles. Notre bénédiction est que l'Octuple Sentier du Bouddha nous fournit tous les outils dont nous avons besoin pour apprendre à voir les choses telles qu'elles sont. Notre défi est que, même équipé de l'Octuple Sentier, il est très difficile d'apprendre à voir les choses telles qu'elles sont. Notre réflexion est la suivante : qu’y a-t-il de mieux à faire ?  Ajahn Jayasāro 18/05/24

Observer le sens du soi

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Si une chose existe vraiment, plus on l'examine de près, plus elle devient claire. Si une chose n'existe pas vraiment, plus on l'examine attentivement, plus elle perd de sa substance. Donc, si l'on veut distinguer le vrai du faux, on doit regarder de près.  Mais comment faire? Il est très difficile de regarder quelque chose sans parti pris ni distorsion. L'esprit, celui qui regarde de près, est inconstant et peu fiable, il n’est pas adapté à cette tâche. Il doit d'abord être renforcé par la pleine conscience, une compréhension lucide et un effort approprié. Lorsque ces trois qualités ont été suffisamment cultivées, il en résulte le samādhi, la stabilité de l'esprit indispensable à tout examen approfondi de la réalité.  Après avoir développé le samādhi, l'attention peut maintenant se tourner vers le sens du soi, l'hypothèse d'un sujet permanent, indépendant et propriétaire d'expériences. L'enseignement d'anattā n'est pas une philos...

Les déclencheurs de pensées négatives

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En dehors des états profonds de samadhi, l'esprit produit des pensées aussi naturellement que les glandes produisent des hormones. Les pensées qui surgissent dans l'esprit au cours de la journée sont provoquées par ce que nous voyons, entendons, sentons, goûtons, touchons, et sont conditionnées par ce que nous avons pensé auparavant. En soi, ces pensées sont inoffensives. Mais certaines d'entre elles peuvent être de puissants déclencheurs, conduisant à des trains de pensées toxiques qui sont une source majeure de souffrance. Nous ne pouvons évidemment pas choisir toutes nos expériences au niveau des portes des sens mais nous en choisissons certaines. Il est donc judicieux d'éviter les stimulations sensorielles inutiles qui déclenchent facilement des états mentaux malsains. Il n'est pas facile de maintenir la pleine conscience aux portes des sens afin d'empêcher les déclencheurs de produire des trains de pensées négatives. La retenue des sens "indriya saṃvar...

Deux trésors inestimables

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  Une histoire ancienne : à l’époque du Bouddha, une vieille dame vivait seule et délaissée dans la cité de Sāvatthi. Sa situation était pitoyable. Le puits commun étant trop éloigné pour qu’elle puisse aller chercher de l’eau potable, elle n’avait souvent pas d’autre choix que d’utiliser une tuile cassée pour recueillir l’eau de rinçage du riz jetée par les domestiques d’une maison voisine. Le grand arahant Vénérable Mahā Kassapa avait une compassion profonde pour cette vieille dame et un jour il lui rendit visite durant sa tournée d’aumône. La vieille femme fut stupéfaite de voir un moine si vénéré devant-elle. Elle lui dit, “Vénérable Seigneur, vous êtes au mauvais endroit. Personne au monde n’est plus pauvre que moi et moins capable de vous offrir l’aumône. “En fait,” dit-elle en souriant, “c’est vous qui devriez me donner une assistance matérielle.“ Le vénérable Mahā Kassapa dit, “Je veux t’aider d’une façon qui te sera plus bénéfique que cela. “ Il proposa qu’elle lui donne q...

S’adapter à l’inattendu

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  Mon éducation monastique m'a encouragé à m'adapter à l'inattendu et à faire preuve de souplesse dans les limites des préceptes. En 1982, Ajahn Chah envoya une importante délégation de moines, dont je faisais partie, dans une région reculée d'une province voisine. Notre tâche consistait à construire un bûcher de crémation pour un de ses vieux amis, dont le corps avait été conservé pendant un an en signe de grand respect.  Le soir précédant la crémation, des centaines de laïcs bouddhistes assistèrent au programme de psalmodies et de discours sur le Dhamma. Le cercueil du vieux moine fut placé sur une plate-forme surélevée, sous la statue de Bouddha. Le moment vint de transférer le corps de ce lourd cercueil en bois à un cercueil plus léger, adapté à une crémation en plein air. Il y eut une légère pause lorsque le couvercle du cercueil fut enlevé. Il s'avéra que les personnes responsables de la protection du corps contre la dégradation avaient commis une grave erreur...

Gérer la colère

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  À l'époque du Bouddha vivait un brahmane si méchant qu'il était connu sous le nom d'Akkosaka (Abusif) Bhāradvāja. Un jour, quand Akkosaka apprit qu'un autre brahmane de son clan était devenu moine, il décida d'aller réprimander le Bouddha. Mais lorsqu'il libéra tout son venin, le visage rouge et postillonnant dans tous les sens, le Bouddha demeura complètement impassible. Le Bouddha demanda alors calmement à Akkosaka s'il lui arrivait de recevoir des invités chez lui. "Bien sûr que oui", bredouilla Akkosaka. "Et qu'advient-il des collations que vous avez préparées pour vos invités s'ils ne les mangent pas ?" demanda le Bouddha. "Eh bien, évidemment," répondit Akkosaka,”je les garde." "De même, Akkosaka, aujourd'hui tu m'as offert ta colère. Je ne l'ai pas acceptée, donc elle t’appartient toujours.” Le Bouddha poursuivit en vers : "Celui qui répond à une personne en colère par la colère ne fai...

Les Vertus

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Les souillures mentales sont une conséquence naturelle de l’ignorance de la façon dont les choses sont. De même, les différentes qualités vertueuses sont une conséquence naturelle de voir les choses clairement. En conclusion : l’effort pour “abandonner ce qui est malsain et cultiver ce qui est sain” a comme thème principal le développement d’une stabilité et clarté d’esprit qui permettent alors la perception sans distorsions de la façon dont les choses sont. Celui qui sait rester longtemps assis immobile comme une statue mais agit avec suffisance, se moque des autres et est indifférent aux souffrances des êtres sensibles, celui-là a perdu le nord bouddhiste. Des qualités telles que la patience et la retenue des sens, l’humilité et la gratitude, la bonté et le contentement s’épanouissent naturellement avec le progrès de notre pratique de sīla, samādhi, paññā. Les vertus apportent de la joie dans nos vies, mais en plus elles sont la preuve que nous sommes sur la bonne voie. Ajahn Jayasār...

"Sati" au quotidien

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  L'un des principaux sens du mot "sati" est "garder à l'esprit" ou "ne pas oublier". Par exemple, nous pourrions être attentifs à éviter certains sujets lorsque nous discutons avec une personne adepte des théories du complot. Sinon, nous risquons de devoir supporter qu'un ami disparaisse pendant un certain temps et soit remplacé par un interlocuteur d'un sérieux effrayant. Il faut toujours garder à l'esprit que nous ne pouvons pas lire les pensées des autres. (Il est en fait possible de le faire, mais je suppose ici que mes lecteurs ne font pas partie de l'infime minorité qui en est capable). Trop souvent, les gens supposent que non seulement ils connaissent l'esprit des autres, mais qu'ils le connaissent mieux que la personne elle-même.  C'est souvent dû à une théorie mal assimilée de l'inconscient. Quelqu'un semble protester trop fort de ne pas aimer quelque chose, et le psychologue amateur conclut qu'en f...

Un aspect agréable de la vie monastique

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  Pendant de nombreuses années, j'étais le moine supérieur de Wat Pah Nanachat. Chaque matin de Wan Phra, vers 11 heures, je me rendais à la cuisine du monastère. C'est là que beaucoup de villageois âgés passaient la journée. En fin de matinée, certains lisaient, d'autres balayaient les feuilles. Certains mâchaient des noix de bétel, d'autres faisaient la sieste. Quelques-uns méditaient. Lorsqu'elles me voyaient approcher, les dames les plus âgées envoyaient l'un des hommes me chercher une chaise, et elles m'offraient le verre de jus de fruit fraîchement pressé qu'elles avaient préparé. Tout le monde abandonnait ce qu'il faisait et se rassemblait. Il y avait un peu d'enseignement du Dhamma, mais c'était surtout un moment de conversation et de retrouvailles. Je leur racontais ce qui s'était passé au monastère au cours de la semaine écoulée ; ils me tenaient au courant de ce qui se passait dans leur monde. Je connaissais la plupart de ces p...

Piment et gratitude

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  J’ai longtemps été le moine principal de Wat Pah Nanachat. Une fois par semaine, le huitième et le quinzième jour de la lune croissante et décroissante, les fidèles laïcs du monastère demandaient les huit préceptes et passaient la nuit au monastère. La séance, qui durait toute la nuit, commençait à 19h par une heure de méditation assise suivie d’un temps de psalmodie. Vers 21h 30 je commençais un enseignement sur le Dhamma pour les méditants laïcs qui durait en général une heure et demie, quelques fois plus. De temps en temps, mon discours était une 'réprimande des souillures' où j’utilisais une façon de parler très forte et très directe, un style pour lequel Ajahn Chah et ses disciples étaient bien connus dans cette partie du pays. À la fin d’un tel exposé, un membre du comité des laïcs du monastère s'est approché de moi. Il s’est prosterné très ému et m’a dit : “ Quel superbe discours. Tellement piquant! C’est allé jusqu’au chilli et au gingembre. Très, très pénible à é...

Un état de vigilance détendue

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L'une des compétences de vie que nous apprenons grâce à la pratique formelle de la méditation est la manière de maintenir un état de vigilance détendue, ou de relaxation alerte. En se concentrant sur un objet de méditation tel que la respiration, l'esprit ne peut se libérer des obstacles que lorsqu'il est dans cet état. L'apparition d'entraves telles que la tension ou la somnolence est un signe que notre attention est trop tendue ou trop lâche. La pleine conscience ininterrompue indique que notre saisie de l'objet est juste. Pour illustrer la qualité de l'effort nécessaire, on peut prendre l'exemple d'un petit oiseau que l'on tient dans sa main : trop serré, il souffre ; trop détendu, il s'envole. L'esprit est détendu, mais pas au détriment de l’attention. L'esprit est confortablement, naturellement alerte.  Une fois que nous nous sommes familiarisés avec cet état de vigilance détendue, nous pouvons l'intégrer dans notre vie quoti...

L'attachement aux opinions

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L'un des objectifs de la pratique bouddhiste est d'abandonner l'attachement aux points de vue et aux opinions. Pour ce faire, nous commençons par nous interroger sur nous-mêmes : quelles sont les croyances et les hypothèses de base qui constituent le fondement de mes points de vue et de mes opinions ? Quelle est leur solidité ? Sont-elles falsifiables ? Quelle confiance dois-je leur accorder ?  De nombreuses personnes intelligentes tombent dans le piège de ne s'intéresser qu'à la qualité de la logique qui les a menées à leurs conclusions. Lorsqu'elles sont convaincues que chaque étape de leur logique est irréprochable, elles sont persuadées que leur position doit être correcte. Elles négligent le fait que si leur prémisse initiale est fausse, cette logique, aussi impeccable soit-elle, est compromise. Tout au long de l'histoire de l'humanité on trouve d’étonnants édifices logiques construits sur la base de croyances superstitieuses. Continuez donc à cherc...

Faire part et recevoir des commentaires

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  Pavāranā est un pilier central du monachisme bouddhiste. Il constitue l'un des principaux mécanismes de contrôle et d'équilibre intégrés par le Bouddha dans le Vinaya afin d'éviter que l'organisation hiérarchique du Sangha ne devienne trop rigide. Pavāranā est la pratique qui consiste à faire part et à recevoir des commentaires. Elle est formalisée par une cérémonie annuelle. Au cours de cette cérémonie, chaque moine demande formellement à tous ses confrères de lui faire des admonitions s'ils l'ont vu, entendu ou soupçonné de se comporter de manière inappropriée. L'aptitude à donner et à recevoir ce genre de commentaires est l'une des compétences sociales les plus importantes que les moines doivent apprendre à maîtriser. Vénérable Sariputta, l'un des deux principaux disciples, est vénéré comme le meilleur exemple d'un moine véritablement ouvert à l'écoute et à l'appréciation de ce genre de commentaires. On raconte qu'à une occasion,...

L'intégrité

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  Certaines personnes suivent leurs principes jusqu’au bout, même au détriment d’avantages matériels pour eux-mêmes ou plus dur encore à supporter, pour leurs familles. En leur montrant que c’est possible, ces personnes sont une source d’inspiration pour d’autres dans leur lieu de travail et gagnent beaucoup de mérite. Elles prouvent la faiblesse d’un argument intéressé qui nous fait croire que le seul moyen de survivre dans un environnement corrompu est de suivre le mouvement. Récemment, une de mes étudiantes m’a parlé avec affection de son père. Elle m’a raconté qu’enfant, elle se sentait parfois frustrée par son honnêteté scrupuleuse. Il avait droit à une voiture officielle liée à son rang, mais il ne la conduisait jamais lorsqu’il n’était pas en service. Les pères de ses amies, tous d’un rang inférieur à celui de son propre père, transportaient toujours leurs filles dans de belles voitures, alors qu’elle devait se contenter de rouler assise à l’arrière de la moto de son père. U...

Le miracle de l'instruction

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  Le Bouddha identifia trois types de pouvoirs miraculeux (pāṭihāriya) : (i) le miracle des pouvoirs psychiques tels que marcher sur l'eau ou voler dans les airs ; (ii) le pouvoir de lire les pensées ; (iii) le miracle de l'instruction. Il indiqua qu'un grand nombre de ses disciples étaient dotés de ces trois pouvoirs. Il déclara que, de ces trois pouvoirs, il considérait celui de l'instruction comme étant le plus grand. Le commentaire explique le raisonnement du Bouddha : alors que les deux premiers pouvoirs peuvent ou non mener à une augmentation du bien-être et du bonheur des êtres sensibles, par sa nature même, le troisième les conduit vers ce but. L'enseignement qui conduit à une transformation intérieure de l'étudiant est un véritable prodige parce qu’il est si difficile à réaliser. Comme l'observa le Bouddha, les gens sont enchantés par l'attachement, la vanité, l'excitation et l'ignorance ; ils s'en réjouissent. Pourtant, lorsqu'u...